C’est un thème « à la mode ». Depuis la sortie de l’ouvrage Sorcières de Mona Chollet, tout le monde s’y intéresse à nouveau. La sorcière, les procès des sorcières, Salem, l’imaginaire autour de cette figure de femme persécutée…on ne parle que ça. Il suffit de taper sur Instagram #witches pour se retrouver une injonction à la Wicca et au tarot.

La sorcière, c’est la nouvelle figure féministe, la femme indépendante qui ne veut pas d’enfants, préfère vivre seule entourée de ses chats et purifier son intérieur avec de la sauge. Une vision très occidentale après tout, dont l’imaginaire collectif va du film Le Magicien d’Oz à la série American Horror Story, dont l’une des saisons, Coven, parle de sorcières. Sabrina, Charmed,…la sorcière est partout. Ma Sorcière bien-aimée, ou la Sorcière de la rue Mouffetard. Nos enfances ont été bercées par ce mot qui veut tout et rien dire à la fois. Il fascine comme il fait peur.

Ici, rien de tel : je vais plutôt vous parler de la représentation des sorcières dans l’art. La peinture surtout.

La 1ère représentation « connue » de la sorcière se trouve dans un livre enluminé du milieu du XVe siècle, Champion des dames par Martin le Franc (un ouvrage également connu sous le nom de Querelle des femmes), publié vers 1451 et qui concernait le statut des femmes à l’époque.

Dans cette petite miniature, deux jeunes femmes sont figurées chevauchant l’une un balai, l’autre un bâton, avec comme légende les « Vaudoises », qui était en fait le terme employé de façon très large à l’époque pour parler des sorcières.

En 1973, une exposition est organisée à la Bibliothèque Nationale de France autour du thème des sorcières (le catalogue est d’ailleurs en libre accès sur Gallica) et réunit pour la 1ère fois une vaste iconographie sur le sujet, aussi bien la sorcière démoniaque que le sabbat. Selon Maxime Préaud, entre le XVe siècle et le XIXe siècle, l’iconographie est assez conventionnelle et figée : la sorcière est souvent un prétexte utilisé par les artistes pour représenter des femmes dévêtues, à la poitrine dévoilée.

Il y a toujours cette ambivalence dans la représentation de la sorcière entre la jolie femme nue et séductrice et la vieille femme acariâtre, prête à vous jeter des sorts. Le dualisme habituel entre Eros et Thanatos, la première représentant donc la séduction (dans un parallèle avec l’Eve tentatrice), la seconde la mort.

La jeune sorcière par Antoine Wiertz, 1857, Bruxelles
Les trois sorcières par Füssli, 1783, Londres

La fin du XVIIIe siècle marque le développement de la littérature « fantastique » et le choix par les artistes d’une nouvelle iconographie. Sont mis de côté les récits folkloriques médiévaux.

Un artiste comme Delacroix se tourne pourtant vers la littérature gréco-latine pour puiser ses inspirations, comme les artistes préraphaélites anglais.

Ainsi, cette Médée furieuse réalisée par Delacroix vers 1836 – 1838, tandis que John William Waterhouse représente Circé à deux reprises :

Médée ? Il s’agit d’une princesse étrangère, fille du roi de Colchide, qui aide Jason et les Argonautes à récupérer la toison d’Or. Amoureuse de Jason, elle succombe à la folie après avoir été trompée par lui : elle empoisonne d’abord sa rivale avant de tuer ses propres enfants qu’elle a eu avec Jason.

Circé ? Fille du Soleil, elle est présente notamment dans L’Odyssée d’Homère : Ulysse reçoit de la part d’Hermès un antidote pour résister à la magicienne Circé et ne pas être transformé en cochon comme ses compagnons de voyage. L’autrice Madeline Miller, dans son Circé, fait une relecture intéressante et moderne de cette femme magicienne dont Ulysse tombera amoureux.

La représentation du sabbat est elle absente des sources antiques : il sert souvent à une « érotisation » de la sorcière. Ce motif se retrouve dans la littérature espagnole et anglaise, chez Cervantès et Shakespeare (Macbeth, en 1623).

Le sabbat sert de prétexte à une représentation érotique et horrifique de scène : des femmes cuisinant des êtres humains, préparant des filtres, pratiquant la nécromancie ou en pleine danse démoniaque, accompagnées par des animaux maléfiques (bouc, chat noir, chouette et hibou).

La Sorcière par Dürer, 1501

Tandis que Dürer figure une femme nue assise à l’envers sur un capricorne, tenant quenouille et fuseau et renvoyant peut-être aux trois Parques antiques, Goya renouvelle définitivement l’iconographie des sorcières et du sabbat. Aussi bien dans ses gravures (Les Caprices) que ses peintures, dont les Peintures noires*, il délivre également une critique de la société contemporaine.

Gravure de Goya, extraite des Caprices

Le sabbat des sorcières par Goya : ce thème est connu sous deux versions. La 1ère a été commandée par le duc d’Osuna. Il s’agit d’une version de petite taille.

La 2nde a été réalisée par Goya pour lui-même : elle a été réalisée à l’origine sur les murs en plâtre de la maison de l’artiste, « La Maison de campagne du Sourd », tout comme le tableau de Saturne dévorant l’un de ses enfants. Depuis, ces peintures ont été transposées sur toile et sont conservées au musée du Prado à Madrid.

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